L'analyse transactionnelle et les injonctions dans l'enfance
- damien launay
- 11 janv. 2021
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 mai
Quand, au fond de toi, tu penses :
« Je n’ai pas ma place dans ce monde »,
« Si je n’étais pas là, ça ne changerait rien »,
« Mon opinion ne vaut rien et ne sera jamais écoutée »,
« Quoi que je fasse, je passe toujours après les autres, et c’est normal, je ne compte pas »…
Ces pensées négatives peuvent trouver leur origine dans des injonctions reçues pendant ton enfance.
L’analyse transactionnelle : comprendre nos messages internes
L’analyse transactionnelle, développée par le psychiatre Eric Berne, étudie la façon dont nous nouons des échanges (transactions) avec les autres et, surtout, les messages que nous intériorisons très tôt en fonction des comportements de notre entourage. Parmi ces messages, les injonctions sont des consignes implicites ou explicites, délivrées par les figures d’autorité (parents, enseignants, etc.), qui guident ou sabotent nos choix et nos comportements à l’âge adulte.
Berne identifie douze injonctions fondamentales :
1. N’EXISTE PAS
Message originel : « Tu n’aurais jamais dû naître ».
Neuro-émotionnel et cognitif : l’enfant développe un biais attentionnel vers l’invisibilité : amygdale hyper-réactive à tout signe d’“oubli” ou d’indifférence, cortex préfrontal sous-utilisé pour l’affirmation de soi.
Exemple adulte : tendance à s’effacer dans les réunions, angoisse intense et sensation de ne pas avoir sa place nul part.
Pour s’en libérer :
Tenir un journal de reconnaissance : noter chaque jour 3 moments où l’on a été vu ou entendu.
Pratiquer l’“affirmation de présence” (ex. poser sa main sur la table et dire « je suis là » avant de prendre la parole).
2. NE SOIS PAS IMPORTANT
Message originel : « Ne te fais pas remarquer, tais-toi ».
Neuro-émotionnel et cognitif : activation du système parasympathique de blocage à l’idée d’être évalué ; inhibition des circuits dopaminergiques liés à la récompense de la prise de risque social.
Exemple adulte : blocage quand il faut avoir un avis, exprimer ses besoins, tendance à prendre assez peu de place, symptômes similaire à "n'existe pas".
Pour s’en libérer :
Exercices gradués d’exposé : commencer par parler 30 sec devant un miroir, puis à un ami.
Reformuler mentalement chaque compliment reçu en une phrase « Merci, c’est important pour moi ».
3. NE SOIS PAS TOI-MÊME
Message originel : « Sois comme l’enfant modèle que j’attendais ».
Neuro-émotionnel et cognitif : double contrainte interne : activation simultanée de la peur du rejet (insula) et de la quête de récompense (nucleus accumbens), générant confusion identitaire.
Exemple adulte : changer de personnalité selon l’interlocuteur, perte du sentiment d’authenticité et d'appartenance, fait le caméléon.
Pour s’en libérer :
Tenir un “portrait vrai” : liste de ses valeurs et préférences, relue chaque matin.
Test A/B social : s’autoriser à dire un petit “non” authentique, observer la réaction sans juger.
4. NE SOIS PAS UN ENFANT
Message originel : « Arrête ces caprices, tu n’es plus un bébé ».
Neuro-émotionnel et cognitif : hyper-contrôle cortical sur les émotions, inhibition de l’amygdale nécessaire à la spontanéité et au jeu.
Exemple adulte : incapacité à se laisser aller dans un loisir, culpabilité dès qu’une activité est perçue comme “inutile”.
Pour s’en libérer :
Planifier chaque semaine 15 min de jeu (ex. lego, dessin) sans objectif.
Pratiquer la pleine conscience ludique : observer ses sensations pendant un jeu d’enfant (balle, bulles).
5. NE GRANDIS PAS
Message originel : « Reste mon petit garçon/ma petite fille ».
Neuro-émotionnel et cognitif : difficulté à établir de l’auto-efficacité : circuits fronto-striés sous-développés pour l’autonomie, cortex orbitofrontal en dépendance.
Exemple adulte : peur panique de prendre des décisions importantes seul(e), cherche constamment un “tuteur” et du soutien, aime beaucoup les choses qui ramène à l'enfance et à l'insouciance.
Pour s’en libérer :
Prendre une petite décision quotidienne sans consulter (menu, itinéraire).
Se fixer un objectif d’autonomie progressive (ex. gérer un budget mensuel simple).
6. NE RÉUSSIS PAS
Message originel : « Ne fais pas d’ombre à ton frère/ta sœur ».
Neuro-émotionnel et cognitif : peur du succès : cortisol élevé à l’idée d’atteindre un objectif, amygdale bloque la motricité et la planification.
Exemple adulte : auto sabotage avant un examen ou une promotion (arriver en retard, procrastiner) ou s'empêche d'évoluer ou de gagner de l'argent.
Pour s’en libérer :
Visualisation positive du succès : imaginer en détail la réussite et ses bénéfices.
Diviser l’objectif en micro-étapes, célébrer chaque petite victoire.
7. NE FAIS PAS
Message originel : « Ne bouge pas, c’est dangereux ».
Neuro-émotionnel et cognitif : hyperactivation de l’amygdale et des neurones de la peur, inhibition des circuits exécutifs.
Exemple adulte : paralysie décisionnelle, procrastination chronique être dans la passivité.
Pour s’en libérer :
Technique du “petit pas” : poser 2 min d’action avant de juger (« j’écris un mot, puis j’arrête »).
Journal d’initiatives : noter chaque action même minime, pour reconditionner le cerveau à l’action.
8. N’APPARTIENS PAS
Message originel : « Tu n’es pas comme nous, reste à l’écart ».
Neuro-émotionnel et cognitif : circuits sociaux (gyrus cingulaire) hypersensibles aux signes d’exclusion, dopaminergie de la connexion sous-excitée.
Exemple adulte : difficulté à s’intégrer en équipe, sentiment d’être “l’intrus” et auto exclusion pour éviter d'appartenir.
Pour s’en libérer :
Exercice de “co-appartenance” : identifier un point commun avec un groupe chaque jour.
Pratiquer l’écoute active, poser 3 questions ouvertes à un collègue.
9. NE SOIS PAS PROCHE
Message originel : « Ne serre pas trop fort ».
Neuro-émotionnel et cognitif : développement d’un style d’attachement évitant : hyporéactivité des circuits d’attachement (insula antérieure).
Exemple adulte : incapacité à verbaliser ses besoins affectifs, distance émotionnelle constante, évite de passer du temps avec les gens.
Pour s’en libérer :
Exercice de contact gradué : autoriser 10 sec de câlin, puis augmenter.
Journal émotionnel partagé : écrire une émotion à un proche chaque jour.
10. NE SOIS PAS EN BONNE SANTÉ
Message originel : « Quand tu es malade, on s’occupe de toi ».
Neuro-émotionnel et cognitif : renforcement du schéma “maladie = sécurité” via la voie opioïde endogène associée à l’attention parentale.
Exemple adulte : somatisation fréquente, déclare des maladie assez facilement, a toujours un truc qui va pas.
Pour s’en libérer :
Pratiquer l’auto-soin conscient (respiration, relaxation) sans être malade.
Reconnaître les signes d’attention reçue, sans recourir à la maladie (noter les encouragements).
11. NE PENSE PAS
Message originel : « Tais-toi, ne réfléchis pas ».
Neuro-émotionnel et cognitif : sous-développement du cortex préfrontal dorsolatéral, difficulté à mobiliser la pensée critique.
Exemple adulte : se fier toujours à l’avis d’autrui, incapacité à argumenter et à reconnaitre ses propres pensées.
Pour s’en libérer :
S’exercer au “pourquoi” : poser 5 fois la question “pourquoi” sur un sujet simple.
Tenir un carnet d’idées, noter chaque réflexion même anodine.
12. NE SAIS PAS
Message originel : « Ne veux pas savoir ce qui s’est passé ».
Neuro-émotionnel et cognitif : blocage de l’hippocampe, difficulté à encoder et récupérer certains souvenirs.
Exemple adulte : évitement de toute enquête personnelle, part du principe qu'il n'a pas l'information donc ne cherche pas. Ne reconnais pas non plus forcément ses besoins mais plus que ceux ayant l'injonction "n'ai pas de besoins".
Pour s’en libérer :
Recherche en douceur : lire un article sur un sujet “interdit”.
Exercice de narration : écrire ce que l’on sait, puis poser des questions ouvertes.
13. NE RESSENS PAS
Message originel : « Arrête de pleurer, sois fort ».
Neuro-émotionnel et cognitif : hypo-réactivité de l’amygdale, dissociation corticale, difficulté à accéder aux émotions.
Exemple adulte : impression d’être “vide”, difficulté à nommer ses sentiments et émotions, personne assez dissocier.
Pour s’en libérer :
Exercice des 5 sens : remarquer chaque jour une émotion et la décrire via les sens.
Thérapie par l’écriture émotionnelle : journal des ressentis quotidien.
14. NE FAIS PAS CONFIANCE
Message originel : « Ne compte sur personne ».
Neuro-émotionnel et cognititif : hyperactivité de l’amygdale aux signaux d’abandon, oxytocine dysrégulée.
Exemple adulte : difficulté à déléguer, à demander de l’aide, isolement relationnel.
Pour s’en libérer :
Exercice de confiance progressive : confier une petite tâche à un proche.
Tenir un “carnet de fiabilité” : noter chaque fois qu’une personne tient parole.
15. N’AIS PAS DE PLAISIR
Message originel : « Ce n’est pas le moment de t’amuser ».
Neuro-émotionnel et cognitif : circuits de récompense sous-activés, dopamine basse durant les loisirs.
Exemple adulte : incapacité à profiter vraiment et de ressentir du plaisir, culpabilité lorsqu’on se repose. Dissocier du positif.
Pour s’en libérer :
Planifier une activité ludique hebdo et la protéger.
Tenir un “score de plaisir” : noter chaque plaisir, même minime.
16. N’AIS PAS DE BESOIN
Message originel : « Tes besoins sont un fardeau ».
Neuro-émotionnel et cognitif : suppression de l’interoception (insula), difficulté à détecter sensations physiques et psychiques.
Exemple adulte : refus de demander de l’aide, burnout par accumulation de frustrations évitement/refoulement de se centrer sur ce qui est important pour soi..
Pour s’en libérer :
Exercice de requête : formuler un petit besoin à un proche chaque jour.
Journal des besoins : noter ses besoins physiologiques et émotionnels, valider leur légitimité.
Chacune de ces injonctions agit comme un saboteur interne : tant qu’elles restent inconscientes, elles déclenchent anxiété, blocages et manque d’estime dès qu’on tente de s’affirmer.
Ex. : sous l’injonction NE SOIS PAS IMPORTANT, un individu performant en coulisses panique dès qu’on lui demande de prendre le lead.
Injonctions et impacts sur le système nerveux, l’image de soi et l’estime de soi
Quand un enfant reçoit des injonctions répétées, son système nerveux se calibre en mode survie :
Hypervigilance face à la moindre erreur (injonction « NE RÉUSSIS PAS »).
Dissociation émotionnelle si l’expression des sentiments est interdite (« NE RESSENS PAS »).
Tonicité musculaire accrue, crispation et troubles du sommeil liés à l’anxiété constante.
Ces mécanismes physiologiques renforcent une image de soi négative : l’enfant apprend qu’il n’a pas le droit d’exister, de penser ou de ressentir. À l’âge adulte, cette empreinte se traduit par :
Une voix intérieure critique et dévalorisante,
Un sentiment persistant d’illégitimité,
Une faible estime de soi, nourrie par la croyance que « je ne vaux rien ».
Se libérer grâce à l'analyse transactionnelle et à la prise de conscience
Identifier l’injonction : mettre un mot sur le saboteur intérieur (ex. « NE PENSE PAS »).
Observer son activation : repérer situations, pensées et émotions associées.
Contredire le message : formuler l’injonction inverse (ex. « J’ai le droit de réfléchir et d’avoir mon avis »).
Répéter l’affirmation nouvelle, jusqu’à reprogrammer le système nerveux et renforcer l’estime de soi.
L’analyse transactionnelle offre des outils concrets (scénarios de vie, contrats thérapeutiques, Jeux psychologiques) pour décortiquer ces injonctions et restructurer nos schémas mentaux.
Exemple d’application
Vous détectez que, face à un projet professionnel, surgit la pensée « Je ne réussirai pas » (injonction NE RÉUSSIS PAS).
Vous notez l’anxiété qui accompagne cette pensée (tremblements, blocage mental).
Vous élaborez l’affirmation contraire : « Je suis capable de réussir » et la répétez chaque matin.
Vous observez, séance après séance, la diminution de l’anxiété et l’émergence d’une confiance nouvelle.
En vous appuyant sur l’analyse transactionnelle pour mettre en lumière et déconstruire les injonctions reçues, vous pouvez réécrire votre scénario de vie, retrouver une image de vous saine et développer une estime de soi solide et un système nerveux résiliant.

Comments